Cela fait presque un mois qu’un poste
de prof d’Anglais s’est abattu sur moi. Fernana sera mon exil pour les mois à
venir. Ainsi, condamnée à vivre loin du cœur vibrant de mon pays et de l’homme qui,
depuis des mois, fait vibrer mon cœur sans le savoir, je dus emménager dans un
semblant d’appartement dans une espèce de couvent pour profs toutes fiancées à
des profs moustachus.
En classe, je dus sortir de ma peau habituelle
et, à contre cœur, adopter un comportement autoritaire pour dompter les petits
monstres. Mais si ces derniers sont disciplinés, moi je m’en retrouve
défigurée, à force de tenir un bras de fer avec une horde d’adolescents
post-révolution.
Fernana, la ville du fernan, un bel
arbre parait-il, n’est pour moi que le trou du cul du monde. Recluse, délaissée,
mais non sans charme par moments rares et espacés.
Mes élèves habitent à 640 personnes
dans un hangroir. « Il y en a même qui dorment par terre », m’a
dit le directeur avec un air le plus détaché du monde. Ça m’a drainé de toute
mon énergie de l’apprendre. Je les avais punis pour ne pas avoir fait leur
travail. Dans leurs conditions, je devrais être punie de leur avoir donné du
travail.
Ils puent la puberté, la liberté, la
rébellion. Ils me tirent en arrière et je bloque leur épanouissement. Je me
vois en eux et je les plains. Comble du grotesque, ils m’aiment bien.
Fernana est loin du désert mais c’est
du sable mouvant. Il faut un effort constant pour ne pas oublier qu’une vie
existe par-delà les champs de patates, même si on n’aime pas la purée.
L’autre jour au marché, un marchand
de légumes que j’avais choisi au hasard a refusé de me répondre, ou même de me
regarder. Dans mon étonnement, j’avais pourtant insisté. Je n’ai toujours pas
trouvé d’explication satisfaisante. Le marchand peut aller se faire manucurer
les ongles, bien sûr, mais je suis tout de même étonnée.
Les Fernanois font de la tabouna
mais n’en vendent pas. Ils ne vendent pas de 7oms mnaffa5 non plus. J’ai dû
faire le tour des magasins de la ville pour déclarer officiellement qu’à Fernana,
on ne vend pas de grosse semoule. On vend par contre les serviettes hygiéniques
à la pièce !
Pour conclure sur une note d’espoir, mon
séjour à Fernana est en train de m’apprendre à la dure qu’il faut faire de son mieux pendant la
période de révision. J’aurai assez d’énergie pour me rattraper... j’espère.
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